Comme promis, je vais essayer de vous présenter rapidement le ney.
Déjà, sa présence dans cette rubrique est un peu capillotractée : ce n'est pas un instrument franchement destiné à accompagner l'ukulele.
En revanche, c'est un petit instru nomade relativement abordable et tout aussi sympathique. Alors pourquoi pas...
Pour commencer, il existe deux sortes de neys : arabe et persan.
Le ney persan utilise une technique très particulière, dite "interdentale", qui sert seulement à faire pleurer de désespoir les apprentis
neyzen. (Avouez que
neyzen, c'est autrement plus classe que
neyiste)
En vrai, c'est beau :
url=https://www.youtube.com/watch?v=DUAaefN1ny0
Le ney arabe est doté d'une embouchure différente (sans le cerclage métallique nécessaire au persan) : un simple biseau dans le roseau. (Le ney turc est augmenté d'une pièce en bois, en os ou en plastique, le
baspare, qui facilite l'émission du son mais ne change rien au principe.)
On pose la flûte contre le coin de sa bouche, on incline vers la gauche ou la droite, on met les lèvres en cul de poule et on souffle tout doucement de manière à ce que le flux d'air se brise sur le biseau.
Si tout se passe bien, on entend un magnifique pfffffffffft.
Mais avec un peu de persévérance, on finit par y arriver, le graal étant la maîtrise du premier registre, grave, envoûtant. (super dur)
On peut même mélanger plusieurs registres et donner l'impression que deux flûtes jouent en même temps.
Une fois qu'on a réussi à sortir une note, on se rend compte que le ney est aussi une flûte harmonique : en soufflant plus ou moins fort, on obtient plusieurs notes sans bouger les doigts. Ainsi, sur un ney en D, tous les trous bouchés : C grave, C médium, G médium, C aigu, Eb aigu et G aigu.
Les doigtés sont assez déstabilisants.
6 trous pour les doigts, 1 pour le pouce.
Celui du pouce ne sert que pour certains sons graves. La plupart du temps, il reste bouché.
Pour un ney en D (c'est le ney de base, en tonalité de D, mais avec un C pour note la plus grave), on obtient les notes suivantes en débouchant les trous successivement, du bas vers le haut :
1er registre : C D Eb E- F F# G (Bb en débouchant le pouce)
2e registre : C D Eb E- F F# G
3e registre : G A Bb B- C C# D
(tenons-nous-en là, les autres registres sont très difficiles à atteindre)
Première surprise : ces "-" correspondent aux quarts de ton.
Le bémol descend la note d'un demi-ton.
Le bémol barré (noté -) la descend d'un quart de ton.
On a aussi des dièses barrés (notés +) qui haussent la note d'un quart de ton.
Deuxième surprise : contrairement aux flûtes occidentales, on ne peut pas jouer une gamme complète en s'en tenant à un seul registre. Au bout de quelques notes, il faut passer à la quinte, au registre supérieur (en soufflant un peu plus fort, donc).
Déconvenue : on voit que pour jouer de la musique occidentale, à moins de s'amuser avec les demi-bouchés (c'est possible), on sera limité à la gamme de Bb. Et encore, c'est assez acrobatique. (Les pros changent de ney en fonction de la tonalité, bien sûr.)
Joie : il va falloir étudier les modes arabes.
Et là, on découvre un nouveau monde musical d'une richesse inouïe.
Des gammes de douze notes sur deux octaves, différentes suivant qu'on monte ou qu'on descend...
Des rythmes qui sont pas dans le manuel...
Mais aussi des gammes plus simples, fondées sur des tétracordes.
Naïvement, je croyais qu'un tétracorde, c'était un ukulele. Eh ben non : c'est une succession de quatre notes.
Les gammes arabes (un
maqam, des
maqamat - oui, il faut se mettre à l'arabe aussi) se décomposent en 2 tétracordes.
Ainsi, le
maqam rast : C D E- F // G A B- C
Et c'est là que ça devient magique.
Quand on regarde les doigtés, on s'aperçoit qu'il va falloir jouer ceci :
(x = trou bouché / o = trou débouché)
2e registre :
xxxxxx (C)
xxxxxo (D)
xxxooo (E-)
xxoooo (F)
3e registre :
xxxxxx (G)
xxxxxo (A)
xxxooo (B-)
xxoooo (C)
C'est la même chose ! Magique, je vous dis.
Et ça va même plus loin.
On peut garder certains trous bouchés pour faciliter le jeu.
Ainsi, en
rast, on jouera de manière simplifiée :
2e registre :
xxxxxx (C)
xxxxxo (D)
xxxoxo (E-)
xxooxo (F)
oxooxo (G)
3e registre :
xxxxxo (A)
xxxoxo (B-)
xxooxo (C)
oxooxo (D)
Qu'est-ce qu'on remarque ? Qu'il suffit de garder les trous 2 et 5 bouchés en permanence. Avec les autres doigts, on fait ce qu'on veut, et ça marche ! Magique !
Bon, pour certains
maqamat, les doigts à ne pas bouger changent suivant le registre, mais ça simplifie quand même.
Voili voilou, si vous avez des questions, n'hésitez pas.
Ceux qui savent, si j'ai écrit une grosse bêtise, n'hésitez pas non plus !
