Progrès en dents de scie et maladresses aléatoires

[Bernardine]

Salut amis ukonautes.

Je viens vers vous pour un petit "rant" (coup de gueule) que j'avais envie de jeter quelque part, et vous m'aviez l'air d'être des victimes toutes désignées ! Voici :

Je bosse depuis des mois sur certaines pièces difficiles pour mon niveau mais qui me plaisent beaucoup. Je commence tranquillou par déchiffrer la tab, en cherchant les meilleures positions de doigts en fonction des accords que je repère. Puis que commence par m'attaquer à la pièce par petits morceaux. En général la (ou les) premières mesures, mais pas toujours : s'il y a une portion plus facile au beau milieu, je commence par ça. Je sais, je sais, ma logique n'est pas toujours très conventionnelle ! Mais ça me va bien puisqu'au bout du compte je finis quand même par arriver à jouer l'entier de la pièce.

Mais voila : j'ai beau avoir atteint un niveau où je suis capable de jouer juste l'entier de la pièce, il faut toujours qu'une maladresse se glisse quelque part. Si c'était toujours au même endroit, il me suffirait de travailler la partie difficile jusqu'à pouvoir surmonter l'obstacle (ce que je fais). MAIS les fichues maladresses se produisent aléatoirement, n'importe où, n'importe quand ! Une fois c'est un micro-blanc dans mon cerveau qui crée un heurt dans le tempo le temps que je me souvienne comment enchaîner, alors que je connais parfaitement le passage. Une autre fois c'est un doigt qui touche malencontreusement une autre corde, ou génère un son parasite en changeant de place. Et une autre fois ce sera un bon gros plantage au beau milieu d'une partie que je joue d'habitude les doigts dans le nez. Ça me rend folle !! 

Je me rend compte que je me mets la pression, parce que quand je joue sans attentes, seulement pour grattouiller, et donc sans trop réfléchir, ça se passe souvent mieux. Comme si mes doigts savaient ce qu'ils avaient à faire sans que j'aie à y penser, et que dès que j'essaie de me concentrer en anticipant un possible problème, paf ! ça plante.

Je suis quelqu'un de très émotif, ce qui n'aide pas du tout. J'aimerais bien avoir vos expériences sur ce point-là. Comment gérez vous cette auto-pression, cette attente de résultats ?? Comment progressez-vous ? Est-ce que vos maladresses sont clairement localisées là où le morceau à jouer est difficile, ou est-ce que comme moi vous générez des bugs aléatoires n'importe où, sans logique aucune ?? Je demande ça parce que ça fait des semaines que DEVRAIS être capable de jouer Spanish Fandango d'une traite et sans faute, et que quoi que je fasse ça bug toujours à un moment où à un autre. Me produire devant un auditoire (même maman ou famille) est carrément mission impossible. Et m'enregistrer toute seule dans mon coin génère immanquablement un flot de ces bugs aléatoires. 

Bon, je vous vois venir : boire un coup avant de me mettre au uku ? J'avoue, c'est tentant. Et ne me dites pas que c'est l'âge, hein !! 

[Em6]

Et après ce petit coup de gueule est-ce-que ça passe mieux ?
le formuler c'est un début !
rien de grave, sans doute, attends-tu beaucoup plus de toi que n'en attendent les autres ? ... à méditer et prendre confiance . 

[Olive Thom]

Rien de plus normal Bernardine, on passe tous par là, des paliers de progression avec parfois un sentiment de stagner voire régresser.
Mais rassure toi, plus tu vas jouer, plus les années vont passer, et plus tu seras à l'aise, ce n'est qu'une question de temps, à condition bien-sur de toujours consacrer quelques heures par semaine à tes chers ukulélés.
Perso, ce n'est qu'après 10 ans de uke que j'ai vraiment commencé de jouer des pièces devant un petit auditoire familial ou amical, ou devant la caméra, sans me planter. Le tout est d'y croire et de patienter.
 

[Bernardine]

@ Em6 : Merci pour ce gentil petit mot ! J'avoue : ça m'a fait du bien de le mettre par écrit... et de réaliser qu'en effet je me mettais moi-même la pression ! 

@ Olive Thom : ton témoignage m'appelle à plus d'humilité, argh. Je pense qu'en fait je suis trop pressée de pouvoir poster ici quelque chose de bien, qui justifierait tous les beaux ukus que j'ai acquis pour me sauver de la morosité !   

Bon ben... va falloir remettre l'ouvrage sur le métier !... Heureusement que j'ai beaucoup de plaisir à jouer ces pièces, et que même après un million de fois je ne m'en lasse toujours pas (assez dingue de ma part, du reste). 

[Mr.Marcel]

À la lecture de ton message je ne peux qu'éprouver, je le déplore, un sentiment de déjà-vu, ou déjà-vécu plutôt.

Les maladresses aléatoires, ça me connaît. Souvent ralentir m'aide mais parfois à l'inverse ça se passe mieux en accélérant, à ne rien y comprendre. Dans mon cas l'hypothèse que je privilégie c'est un manque de maîtrise des gestes, qui confère cet aspect aléatoire à l'exécution mais également, comme tu l'évoques, un aspect trop émotionnel et peut-être trop "mental".

En tous cas j'ai arrêté d'essayer de participer au jeu thème, ça me prennait plusieurs heures de tentatives d'enregistrement où je n'éprouvais qu'agacement et frustration, alors qu'à la base il est question de prendre du plaisir.

[Bernardine]

Marcel, je te remercie pour ton témoignage : je me sens moins seule !! Car moi aussi je déplore ne pas pouvoir participer davantage au jeu-thème pour l'exacte même raison que tu expliques !    Après des heures de vaines tentatives pour obtenir un sans-faute (ou tout au moins un acceptable), je finis par poser les plaques. Les fautes ne se produisent jamais à la même place car ce ne sont pas des fautes dues à une mauvaise connaissance de la pièce, mais des couacs dus au stress. Du coup, ça tourne au pensum alors qu'il était question de s'amuser, comme tu dis.

Et pareil : je constate aussi que parfois je dois jouer plus lentement... ou plus vite ! Dingue, non ? 

Bon, je n'ai pas renoncé définitivement, mais je dois me cantonner à du bien rodé, en deçà de ce que je pourrais produire dans l'idéal. Je pourrais aussi poster des trucs non aboutis, juste histoire de participer, mais le boulot d'enregistrement reste le même (= fastidieux). Alors pour obtenir un truc tout bancal au final... 

[della]

Salut Bernardine et bienvenue au club...

Je crois que de démarrer en recherchant un "sans faute" c'est déjà aborder la question (exécution) en te mettant trop de pression et d'attentes. Ce n'est pas une compétition je pense. C'est dans les compétitions qu'on espère décrocher un "sans faute".

Si je devais moi-même me démoraliser ou simplement m'étonner de chaque imperfection, j'aurais abandonné le ukulélé ou tout autre instrument depuis longtemps. Progresser, s'améliorer, relever un nouveau défi, oui. Mais surtout, s'amuser et se retrouver dans cette bulle très spéciale qui à chaque fois me projette dans un monde fait de sons, de sensations, d'émotions, de vibrations et, pourquoi pas, aussi d'illusion et de fantaisie, que seul le fait de jouer d'un instrument peut réaliser. Et c'est largement suffisant pour moi.

Et surtout partager! Partager notre passion avec les autres, faire de la musique ensemble, même des choses simples qui nous permettent d'échanger des petites compétences et des découvertes. Si je devais te donner un conseil, ce serait exactement celui-ci (mais peut-être que tu le fais déjà...): rejoigne (ou cré toi-même) un groupe de sonneurs de ukulele das ta région pour partager cette merveille.

[Bernardine]

Salut della.

Je ne démarre pas vraiment : ça fait maintenant quand même 4 ans que je grattouille. Mon "problème" (comme expliqué ci-avant) est surtout le fait des "maladresses aléatoires", sur lesquelles j'ai peu de prises puisqu'elles ne sont pas liées à une amélioration spécifique que je pourrais travailler. C'est surtout le reflet de mon émotivité, et de mon état au moment où je joue (fatigue, nervosité, etc.). Si j'avais dû me démoraliser pour ça, ça ferait longtemps que j'aurais laissé tomber, mdr. Mes ukus sont un plaisir de tous les instants pour moi, aussi bien d'en jouer que de m'en occuper ou de simplement les contempler (oui, oui, j'y passe un temps fou !).

Mon "défi" comme tu dis, est précisément l'objet de ce post : savoir comment les autres gèrent cette espèce de "tension" générée par le fait de jouer. Peu importe que l'attente vienne de moi ou d'un auditoire : je la ressens et je ne parviens à en faire abstraction que si je n'ai aucune attente (= zéro pression). Or il est très rare que je n'aie aucune attente : quand on cherche à s'améliorer, on travaille, on pratique, on répète... et on s'attend à voir des progrès. Alors quand la veille au soir on a joué un truc les doigts dans le nez et que le lendemain on sème les fausses notes sans logique aucune, ça fout les boules.

Quant au partage, les membres du forum savent que je suis un vieil oiseau de nuit solitaire et asocial qui vit au fin fond de nulle part, raison pour laquelle je partage surtout sur ce forum.

[Bernardine]

Della, en cherchant ta présentation (que je n'ai pas trouvée), j'ai cliqué sur ton profil et j'ai vu que tu étais... tessinois ??     

Benvenuto dal Gran San Bernardo (Vallese) ! 

[bernie]

Della, en cherchant ta présentation (que je n'ai pas trouvée)

peut-être là
 

[Bernardine]

J'avais pourtant utilisé le moteur de recherche, arf.

Merci Bernie !   

     ... e ciao Ettore ! 

[Em6]

Avant la vulgarisation du gps j’avais des trajets d’un point A un point B qui en étonnaient plus d’un ! Tout simplement parce quand tu te perds une foi, tu as une grande change de mémoriser cette perdition et de la rééditer ! C’est pareil en musique  ! La saturation d’une répétition trop poussée va mémoriser tous les plantages  que tu as fait juste parce que tu « psychotes »
Il faut lâcher dès que ça énerve et arrêter de s’énerver parce que c’est énervant ! En ukulélé on parle d’UAS c’est une forme d’addiction… la pratique peut en devenir une également…
C’est comme les émotions c’est difficile à gérer pour certains…
Comme dit plus haut en parler c’est commencer cette gestion !
Ceci reste de la psychologie à deux balles mais ici on est sur un forum de uke ;-)

[della]

Merci Bernie

et ciao Bernardine du fin fond du Tessin!
Ta "collection" est impréssionante mais il te manque aumoins un "vintage" ;-)

[Jipou]

Hello Bernardine, ton sujet est un vaste sujet ! Je me suis pas mal reconnu et il y a beaucoup à dire…

Déjà, Spanish Fandango n'est pas difficile en soi mais demande beaucoup de soin dans l'interprétation. C'est normal de galérer si tu vises la perfection. Regardes des vidéos de John King en public… même lui se plantait

4 ans de pratique ? C'est pas grand chose  je joue depuis presque 20 ans du uke et je m'y connais en plantages, imperfections etc…

J'aime me dire – et te dire – que notre exigence s'affute en même temps que l'on progresse… Par exemple, j'imagine que jouer des accords en strum ne te pose guère de problème, alors que ça pouvait être galère à tes débuts ?

Donc logiquement, quand on en a marre de strummer, on cherche des difficutés… et on les trouve !

Sur la précision des mouvements, c'est très très important de travailler très lentement avant d'accélerer. Comme dit Em6, les erreurs aussi sont enregistrés par le cerveau d'ou l'importance, pour la mémoire musculaire, de travailler lentement, lentement, et d'accélerer progressivement. Et il vaut mieux répeter un morceau ou une technique pendant 10 minutes en restant concentré, que pendant une heure devant la TV, ou en écoutant la radio (si si… ca m'arrive).

En faisant de la guitare flamenco j'ai vraiment appris l'importance de cette façon de travailler. Les techniques main droites (multiples rasgueo, l'alzapua, le tremolo…) sont complexes et si tu veux apprendre vite tu produis de la bouillie pour les oreilles. Si tu prends ton temps, tu décomposes les mouvements, tu répètes encore et encore un peu tous les jours, ce qui semble impossible ou très difficile au début devient peu à peu abordable. Le geste devient automatique.

Après, certains jours ça veut pas… Un grand guitariste disait que c'était sa guitare qui certains jours ne voulait pas ! Moi dans ce cas là je me prends pas la tête et je fais autre chose Je suis un éternel amateur et j'ai pas de concert de prévu…

[Bernardine]

(...)
Ceci reste de la psychologie à deux balles mais ici on est sur un forum de uke ;-)

L'ukulélé est une thérapie en soi, cher Em6, comme l'ami Karim l'a bien compris. Il devrait être remboursé par la SECU. Donc même à deux balles, ta psychologie se tient !   

Mais je suis assez d'accord (jeu de mot pas voulu mais pertinent) : il faut se gaffer de ne pas "incruster" les erreurs, et là je rejoins Jipou qui conseille de commencer par jouer lentement, et de ne passer à la vitesse supérieure qu'une fois le morceau maîtrisé à vitesse lente. Ce qui m'amène à une autre constatation : la vitesse de jeu elle aussi tend à s'incruster dans les automatismes indésirables ! Je me rends compte que j'ai énormément de peine à jouer plus lentement - et de façon constante ! - un morceau que j'ai mémorisé à une certaine vitesse. J'ai aussi de la peine à le jouer plus vite, du reste. 

Ma façon de jouer est que quand je joue, je ne fais que ça (pas de téloche en arrière-fond... mdr j'ai pas de téloche. Marianne, je t'interdis de te moquer !!). Le plus souvent je pratique assez ludiquement. Mais quand je m'entraîne vraiment, c'est toujours un petit moment intense (genre entre 10 et 20 minutes). En ce moment, je COMMENCE à pouvoir poser un Bb ! Mais comme c'est difficile, ça me prend encore un temp fou à placer mes doigts pour l'obtenir sans bavure. Du coup c'est clair, ralentir jusqu'à pouvoir le poser sans heurt est la solution avant de vouloir faire de la virtuosité.   Impatience, impatience !...

@ della : c'est vrai, je n'ai pas (encore) de "vintage". Je ne dirais pas non à un petit baryton Favilla en acajou...