Voilà une petite sélection (fallait pas demander !).
Le blues c’est pas seulement « la longue plainte du peuple noir, blabla » ou des morceaux lourdingues de 10 mn avec d’interminables solos
à la BB King joués par des pénibles qui nous remontent la gamme pentatonique mineure en tous sens. Ça, ça s’appelle de la daube.
Ici, partie chiante (et subséquemment dispensable) :
Dans le blues, y a pas de solos. Au départ, c’était joué sur des banjos. Donc surtout rythmique. Puis sur des guitares, quand les cordes
métalliques sont apparues et ont permis plus de volume que les boyaux. Il y a parfois de (brèves) parties solo jouées en accords ou avec de petits
riffs ou des solos confiés à des instruments à sustain (violon et harmonica principalement). Le soporifique solo note à note est apparu avec la guitare
électrique et BB King.
Le blues, ce n’est pas non plus « three chords, twelve bars ». Ça, c’est une forme standardisée mise au point par les jazzmen, qui ont été les premiers
à enregistrer des blues, parce que quand on joue en formation, vaut mieux se mettre d’accord et tous jouer la même chose. Quand on écoute les
bluesmen, on entend des morceaux à 8, 10, 12, 16, 18, 20 mesures et j’en oublie. Y a parfois une mesure en plus ou en moins. Comme ces gars
jouaient la plupart du temps seuls, ils faisaient un peu ce qu’ils voulaient.
Le blues, c’est pas non plus le truc super lent qui sonne toujours pareil et qui vous donne le blues (« When I Woke Up This Morning… »). Il y a d’autres
formes, d’autres rythmes, des blues gais, rapides, dansants…
Il y a aussi le problème des enregistrements. Les premiers blues ont été enregistrés par des formations de jazz, au début des années 20. Ensuite
seulement, on est allé pêcher les bluesmen qui jouaient en ville, puis les péquenots au fin fond du delta (c’est par exemple ce qu’a fait Lomax).
Des enregistrements de la fin des années 30 sont donc plus primitifs que ceux des années 20. Le premier enregistrement de John Lee Hooker (qui
résume un peu le blues à lui tout seul) date de 1948 : il jouait déjà depuis une douzaine d’années. A quoi ressemblait sa musique dans le delta ? On ne
sait pas, mais d’aucuns ont voulu voir dans certains de ses morceaux et dans son style unique (le « talking blues ») une des formes les plus primitives
de blues. Des enregistrement tardifs (années 50-60 pour John Lee Hooker) donnent donc une idée de ce que pouvait être le blues avant le blues.
Les bluesmen ne jouaient pas que du blues. C’est ce qui reste, parce que c’est ce qu’on leur a demandé d’enregistrer, mais ils jouaient aussi tout ce qui
plaisait au public : les tubes modernes de la radio naissante, les vieilles chansons d’autrefois, les gospels que tout le monde pouvait reprendre en chœur, etc.
Leadbelly, découvert par Lomax, était par exemple un juke box vivant, il connaissait des centaines de chansons de tous styles, dont certains très vieux
morceaux chantés dans les plantations au XVIIIe.
J’ai essayé de faire attention, mais il y a quand même beaucoup trop de morceaux. Si vous ne voulez en écouter qu’un, choisissez le Blind Blake,
un pur joyau. Si vous n’aimez pas ça, je ne peux rien pour vous.