Allez, je serai moins dithyrambique que vous ! Quelques mots quand même...
Voilà un deuxième album qui se sera fait attendre … Et pourtant, le moins qu'on puisse dire c'est que notre trio féminin préféré n'a pas chômé depuis son premier enregistrement. Entre concerts un peu partout en France, festivals à l'étranger et extras musicaux, les nouvelles chansons ont pris le temps de mûrir. Mais c'est peut-être ce temps pris qui leur donne leur force. L'écriture et les arrangements ont gagné en maturité et les ukuleles sonnent à la perfection.
Ce qui est magique avec les Poupées gonflées, c’est leur capacité à embarquer l’auditoire dans un univers bien particulier, tout en cultivant toujours le goût de la surprise. C’est le sentiment qui vient à l’écoute de cet album et en ayant suivi le parcours et le travail du groupe depuis le premier opus sorti en 2010.
Alors d’un côté, il y a des ingrédients gravés dans le marbre, on a de la suite dans les idées et on s’y tient chez les Poupées. Les trois voix constantes, réminiscence des groupes de jazz vocal des années 40 et fond de sauce poupesque. Il y a aussi cette écriture au mot près et cette façon si personnelle d’écrire la musique. Parce que si les Poupées gonflées sont un groupe, elles sont aussi une tête pensante qui donne plus qu’une direction, un univers.
Et de l’autre il y a cette envie chevillée au corps de ne se donner aucune limite, si ce n’est celles imposées par la nature (des mains et des cordes vocales).
Et c’est là que ce groupe est très très fort…..
Comme sur le premier album on retrouve donc des univers musicaux différents, entre swing, tango, java, bossa …. Un éclectisme qui pourrait être gênant s’il n’était pas transcendé par le cahier des charges évoqué plus haut.
La Douce ambiance des débuts fait écho à Lulu et Loulou qui jonglent avec les mots comme jamais. Parallèle d'autant plus évident que ces deux titres sont empruntés au répertoire manouche, deux instrumentaux trouvant pour la première fois une voix à travers les mots de Valérie Lemerre Charlot. La poupée qui rêvait de poser le cul sur le sofa s’est découvert d’autres horizons virtuels (mais non moins sensuels) en la personne de Gatsby, deux titres qui ancrent bien le groupe dans une certaine modernité, à l'instar de L'Allumeuse qui ouvre ce nouvel album en donnant le ton de l'irrévérence.
Avec Norbert, les Poupées Gonflées goûtent à nouveau aux plaisirs de la bossa qui invite à tous les transports. Et parce qu'il n'est pas question seulement d'un regard féminin, elles invitent dans leur boudoir un Fumiste à l'inventivité verbale jubilatoire !
Mais, que disait-on ? Pas de limite parce que rien n’est impossible ? Alors l'ouverture d'esprit du trio prend sur cet album de nouvelles formes.
Parce que l’envie a pointé le bout de son nez un soir après un concert et parce qu'une nouvelle Poupées apporte ses influences, on décide de partir vers des contrées inconnues, des rythmes tribaux qui vont invoquer La Sauvage qui sommeille en chacune. Et le trio de se transformer soudain (le pied sur la stompbox en concert!) et les doigts claquant, en machine groovy…
Comme toutes les femmes sont présentes chez les Poupées, le reflet d’un miroir va donner l’occasion d’écrire une des plus belles chansons du disque, L’Hôtel des miroirs, un tango piazzolesque, écho tragique du décalé Carlito du premier album.
Et puis parce qu’elles ont définitivement tous les culots et que l’Espagne est juste derrière les Pyrénées qui décorent avec une classe nonchalante l'horizon palois, elles n’hésitent pas à passer du tragique à la légèreté avec une de leur chanson les plus tubesques à ce jour, Eres mi salsa, qui donne d’autant plus envie de tremper son doigt dans la casserole que les paroles sont délicieusement incompréhensibles pour les non hispanophones. A défaut de goûter à cette recette, une envie irrésistible de danser prendra tout le monde par surprise !
Continuité et ruptures toujours, on reconnaît aussi les Poupées Gonflées à la présence d'un instrumental à chaque concert. Cette fois çi il se présente sur le disque sous la forme d'un duel tendu et virevoltant entre accordéon et concertina, sous l'arbitrage imparable de la basse (ukulele bass, on ne pourra pas dire qu'il n'y a pas d'ukulele sur ce titre!). La Jalouse est ainsi une pause heureuse et magistrale au beau milieu d'un album court mais sans temps mort.
Ainsi l'auditeur se retrouve t-il transporté d'une chanson à l'autre dans des paysages à la fois nouveaux et familiers, passant d'une surprise à l'autre pour finir par se faire définitivement envouté par le venin de Sad song…. Comme L'Allumeuse qui ouvre le bal, Sad song avait déjà eu les honneurs de la scène et fait l'objet d'une vidéo visible en ligne avant cet enregistrement. Mais pour l'album, cette magnifique chansong est sublimée par l'ajout d'un quatuor à cordes, échappée belle de musiciens du Capitole de Toulouse venus s’encanailler en Béarn. Rien que ça.
Alors il n'y a plus qu'à laisser la magie opérer. Et appuyer une nouvelle fois sur la touche play …