Salut Marianne,
C'est très intéressant ce que tu écris là, et je suis complètement d'accord.
C'est souvent le mur que je me prends : j'ai une mémoire à court terme de poisson rouge et je n'arrive pas à prendre le temps d'écrire une pièce immuable. De la même manière je n'arrive plus à me poser sur un morceau de répertoire et passer des semaines à l'apprendre, je décroche vite.
Du coup, je définis un thème de départ, un cadre harmonique, tonal, ryhtmique, une vitesse... - en gros j'éclaire les cases qui m'intéressent, la métrique avec laquelle je vais jouer et je n'en sors pas. C'est un terrain de jeu dans lequel toutes les combinaisons sont possibles, et vu que j'ai une liberté trop grande, je n'arrive pas à me brider et ça donne ces parties que je "pré" entends en jouant mais qui perdent et le mec qui joue, et les gens qui écoutent.
J'ai appris en grandissant que la liberté, c'est dans un cadre défini, et plus ledit cadre est grand, plus les possibilités sont nombreuses. Dans le cas précis de ce morceau, je n'ai pas réussi à assez restreindre le cadre, donc, ma spécialité : je m'y suis perdu !
C'est un exercice dont je suis fan et que je trouve noble que d'essayer de jouer un morceau non linéaire qui raconte une histoire et ce sans user de structures (intro couplet refrain etc..), comme suivre une plume qui vole selon les courants d'air. Et le faire en impro est ce que je préfère faire lorsque je suis posé dans le jardin ou sur le canapé. J'ai réussi des fois à me laisser porter par ces impros.
Et puis...
Et puis j'ai voulu les refaire pour les enregistrer. Et ça a foiré à chaque fois ! Encore et toujours. Alors quand j'en ai ma claque, je pose mes caméras et mes micros, je respire en invoquant des dieux de toutes les origines pour m'aider à enfin fixer une chanson une bonne fois pour toutes et enfin en laisser une trace fixe que j'aurai juste à rejouer par la suite.
Je réussis jamais.
Pour me rassurer, je me dis qu'il en est de mes impros comme de la mécanique quantique : quand tu cherches à savoir où est un électron il peut être partout à la fois. Lorsque tu l'observes tu lui donnes une probablité de positions mais il reste une flucutation, une onde qu'il ne faut pas trop chercher à fixer. Une impro, c'est un instantané, on devrait jamais l'enregistrer.
Je pense que ces "pièces" que je fais seraient plus efficaces en concert car il ne resterait au final que la moëlle substantielle dans l'esprit des gens sans possibilité de réécoute. Il n'en resterait que l'essentiel : le fond diffus cosmologique
D'où le titre "Chandelle Standard".
Vous me croirez ou pas, j'ai l'angoisse du bouton Record et encore plus lorsque c'est filmé, je n'arrive jamais à faire un seul truc impeccable comme quand je joue juste pour moi. Trop la pression.