Bonjour mes petits ukophiles.
Avant de poster ceci, j'ai cherché un peu partout sur le forum sans trop savoir sous quoi le thème aurait pu être traité. En anglais, on trouve des infos pour
ukulele 'opening up' with time and playing, ou
ukulele settling down, ou
ukulele improving over time, etc. Je vais citer le commentaire de OldePhart (22.01.2013) sur le sujet, car il se trouve que je suis dans quasiment le même cas de figure : sur une douzaine d'instruments, il a eu une guitare spruce top et un soprano en mahogany qui se sont "bonifiés".
https://forum.ukuleleunderground.com/index.php?threads/do-ukuleles-open-up-with-time-playing.75763/De mon côté, j'ai aussi une bonne douzaine d'instruments, et ce sont précisément un redwood sinker top (Ohana concert) et un mahogany (Kiwaya concert) qui se sont ouverts de façon tellement notable que je n'en ai pas cru mes oreilles. Le changement de son est apparu dans les semaines qui ont suivi l'acquisition de l'instrument :
l'
Ohana est sans doutes l'instrument le plus... inclassable ? de toute ma collection. C'est un petit concert avec une table en séquoia massif, récupéré dans les sédiments d'une rivière en Orégon, où l'arbre s'était envasé lors des "riftages" (flottages) de la fin de XIXème siècle, début du XXème. Le reste est en palissandre des Indes (Indian rosewood). Il a toujours eu un son très (très !!) puissant, et tellement percutant que j'ai changé les cordes pour des Worth Brown en espérant l'adoucir un peu. Mais rien à faire : il me tuait la tête et je l'ai laissé un peu de côté sans trop savoir qu'en faire. Jusqu'au jour où j'ai vu un type qui avait le même problème avec le même ukulélé, et qui a eu l'idée de
baisser l'accordage d'un demi-ton, puis carrément d'un ton. Au début je me demandais si cela n'allait pas rendre le jeu impossible du fait de la position des accords sur la touche. Puis je me suis dit, allez essaie : tu n'as qu'à jouer les mêmes accords, et ce ne seront plus les mêmes notes, mais à l'oreille ça sonnera la même chose... juste un demi ou un ton plus bas. Et là bingo !! Au demi-ton plus bas, le petit monstre est devenu une toute autre créature. Et au ton plus bas, ça a été le top du top : comme si toute la caisse vibrait dans une longueur d'onde optimale, en rajoutant des échos qui venaient s'ajouter au son de base pour donner un truc hyper riche et ultra résonnant ! Je n'en ai pas cru mes oreilles tellement il est passé de gueulard indomptable à enchanteur de tympans ! Mais ce n'est pas tout : dès lors que je me suis mise à le grattouiller tous les jours, le gaillard s'est littéralement amélioré de jour en jour. Je ne sais pas comment exprimer ça : le son est tellement puissant, riche et vibratoire ! À la fois minéral et boisé. Hyper riche en résonance (les "over tones" ??) Un truc de dingue. Sa voix grave lui donne un côté viril très sexy, et je l'adore !
L'autre surprise est venue d'un
Kiwaya concert que j'ai acquis tout dernièrement, parce qu'il manquait un ukulélé en acajou à ma collection. Et qui plus est, un ukulélé Martin style. Je me réjouissais d'entendre la voix de l'acajou 100%, et quand j'ai reçu mon instrument, ma déception a été à la hauteur de mes attentes (démesurées ?). Mon Kiwaya sonnait parfaitement, impeccablement. Mais sans plus. Je n'ai pas été éblouie, comme je l'espérais. C'est souvent le cas quand je reçois un nouvel instrument : je fantasme sa voix et tout !... Et quand je le reçois, je dois apprivoiser l'animal. En général, ça veut dire le laisser à température ambiante avec les autres, pour qu'il s'acclimate. Et puis changer les cordes pour tirer le son vers les chaudes basses, moelleuses, rondes et veloutées, que je recherche. J'ai changé les Fremont Black Line, qui sonnaient bien mais trop neutre à mon goût, pour ce qui me restait : des Worth Brown. J'aurais voulu le passer en
black nylon, mais je n'avais pas encore reçu un arrivage de cordes commandées. Et tant qu'à faire, au lieu de tendre les cordes jusqu'au bout (GCEA), je me suis arrêtée au demi-ton en dessous. Il sonnait tellement bien que je n'ai même pas essayé de monter l'accordage plus haut ! (Je verrai quand je recevrai les
black nylon pour l'accorder en standard. La seule chose qui me chiffonne est que les nylon sont tellement grosses que je devrai limer les slots, pas glop). Mais là, whaou ! Et les jours suivants ont été encore plus whaou : mon gentil petit jap s'est bonifié de façon extraordinaire, exactement comme l'Ohana ! Comme si tout une palette de "sous-sons" apparaissaient jour après jour, venant enrichir le son de base pour donner un mélange ultra riche et résonnant. La rondeur de l'acajou s'est sublimée juste en quelques jours, je n'en reviens pas. C'est un instrument qui répond fantastiquement : à peine on l'effleure et il chante !...
Et pourtant, j'en ai des ukulélés ! Ni mes Pono, ni mes Romeros, ni mon Kamaka ne m'ont fait ça. Ils sont arrivés chez moi déjà "matures" ? C'est à croire. Mon petit Kamaka pineapple en koa a tout de suite montré sa vraie nature, avec une palette de sons complexes, riches et chauds, et ce cocktail inimitable de rondeur et de cristallin que lui ont procuré les Worth Brown. Il n'a pas évolué d'un iota : même les cordes en
black nylon qu'il avait au départ avaient été pré-stretchées et n'ont pas bougé jusqu'à ce que je change les sillets et pose des Worth Brown. Il reste la perle de ma collection.
Il doit y avoir une sorte de stabilisation de l'instrument qui se produit, une fois qu'il est fabriqué. Les diverses pièces qui sont sous contrainte se stabilisent et "prennent le pli", ou quelque chose comme ça. Du coup, quand on joue, on produit des vibrations et on augmente les contraintes. Ce qui fait que l'instrument accélère sa mise en pli, en quelque sorte. Le niveau d'humidité doit aussi jouer un rôle : un bois qui n'a pas reposé plusieurs années au sec avant d'être utilisé risque de se déformer et de fendre. Et pourtant ces deux instruments sont aussi différents qu'on puisse l'être : l'Ohana a une table en bois de résineux qui a subi des altérations (un siècle ou plus dans l'eau, et des dépôts de minéraux morainiques). Il est d'une facture moyenne à épaisse, avec une tonne de gloss qui le vitrifie carrément. Alors que le Kiwaya est ultra fin, et à peine satiné. Pourtant mon Pono ténor super high-glossé n'a jamais bougé, lui. Ni mon Kamaka en koa massif ultra fin. Je ne crois pas être victime d'hallucination auditive : mon Ohana et mon Kiwaya ont vu leur son s'enrichir incroyablement en très peu de temps, alors que les autres n'ont pas suffisamment changé pour que je m'en aperçoive. Pour info, j'ai également changé l'accordage de plusieurs autres de mes ukulélés, pour voir. Certains sonnent mieux, mais sans que ce ne soit dû à autre chose que l'accordage. Pour moi, il s'agit d'un phénomène d'acclimatation de l'instrument, à la fois aux condition de son nouvel environnement (température et hygrométrie), et à la fois des diverses pièces qui le composent qui s'ajustent les unes aux autres au fil du temps et du jeu : bois qui travaille, tensions qui s'équilibrent. J'ai une vieille armoire en noyer que j'ai traînée avec moi dans tous mes déménagements : chaque fois que je la bouge, elle gémit et craque. Il faut s'adapter aux nouvelles micro-différences de niveau des 4 pieds. En hiver, quand j'aère et que je chauffe, elle fait de ces craquements ! Mais quand elle se trouve bien quelque part, plus un son. La porte et le tiroir s'ouvrent comme du beurre, là où ils coinçaient. Bref, le bois reste toujours "vivant" et c'est une partie de la magie des instruments en bois qui fait leur incroyable richesse ! Et vous ? Avez-vous expérimenté des changements extraordinaires sur vos ukulélés, qui se seraient bonifiés (ou péjorés) avec le temps et l'utilisation ? Et sur quels instruments (type de uke et bois) ? Je serais curieuse d'avoir vos ressentis !
Oups, j'ai été longue, mais c'est le genre de sujet que j'adore, et qui fait que j'aime autant mes ukulélés pour tous leurs mystères et mille choses qu'ils m'apprennent chaque jour que pour en jouer.