Oh la la, quel débat sans fin! Avec pour moi une petite "bombe" posée par Jérome :
bref, la partition n'est pas la musique, (...)
Je suis à la fois tellement d'accord avec toi, et tellement pas d'accord que ça en devient compliqué d'essayer de formuler ma pensée. Mais je vais essayer, d'accord? (Et désolé pour le pavé, mais j'adore ce genre de conversation qui ne servent à rien et qui ne font jamais changer d'avis personne)

La partition, c'est vrai, ce n'est pas la musique. C'est évident, un bout de papier imprimé n'émet aucun son, on aurait beau mettre des machines pour relever les décibels émises par le papier, la machine n'émettrait rien, le calme plat, le néant, pas d'émotion, rien - d'ailleurs, cela impliquerait donc que le silence n'est pas musique, un autre vaste débat...
Pour que la musique existe, il deviendrait alors absolument nécessaire que le geste musical de l'interprète se produise. Pour qu'elle se produise le musicien utilise alors un savoir faire, des procédures qui sont plurielles ou variées, en lien avec la manière dont il a appris à faire de la musique. Et c'est justement par ce qu'il y a plusieurs manières de faire de la musique que ta phrase est à la fois tellement juste et tellement fausse.
Elle est juste si l'on se place du point de vu que pour faire de la musique nous n'avons pas besoin de savoir lire la musique. Et c'est vrai, on peut tout à fait faire de la super musique sans savoir lire. Les exemples de grands musiciens ne sachant pas lire sont pléthores, ils sont capables de nous émouvoir, de nous impressionner, de nous faire réagir, de nous faire bouger.
Je pense notamment à toutes les musiques traditionnelles de culture orale, aux improvisations dans tous les styles : pas de papier et pourtant il y a de la musique. C'est une manière de faire de la musique, héritée d'un patrimoine, souvent même d'une formation, d'un apprentissage d'un code oral et d'une culture ou même d'une esthétique.
Il peut y avoir quand même un petit bout de papier avec le strict minimum, comme un pense bête. Par exemple le thème du standard écrit sommairement, simplement pour se rappeler un peu le début puis de toute façon il nous revient en mémoire dès qu'on a joué les premières notes donc on ne le regarde plus au bout de la 3e note, donc bon, vu son utilité, à quoi bon l'écrire très précisément ? A quoi bon préciser qu'il faut le jouer swing ou binaire, puisque cela dépend de mon envie du moment, de ce que je veux faire à ce moment la, de la décision qui a été prise par le groupe, de l'effet que je souhaite produire...etc.
Dans ce contexte la on pourrait même penser que la partition est un frein à la création et qu'elle me limiterait grandement. Car pour moi, dans ce type de musique, ce qui compte le plus, c'est le musicien, sa personnalité et son savoir faire. En jazz, n'applaudissons nous pas le soliste qui vient de terminer son chorus alors que le musique n'est pas finie?
Maintenant, essayons de considérer que pour faire de la musique il faut savoir lire. Oui essayons. Car il y a bien un grand paradoxe : cette manière de faire de la musique est en réalité minoritaire sur notre planète et elle correspond à une esthétique très précise : la musique dites "classique". On pourrait légitimement se poser la question de pourquoi cette manière de faire de la musique s'est imposée pendant des années comme la seule possible dans nos institutions d'apprentissage de la musique (Conservatoire, école de musique). Mais c'est encore une autre débat.
Cette manière de faire de la musique a été la mienne dès mes débuts musicaux. Je ne l'ai jamais choisi : je voulais faire de la musique, mes parents m'ont inscrits dans une école, et boom j'ai eu des cours de solfège. J'ai même pris des cours de solfège pendant 15 ans. Je n'avais pas le choix, c'était obligatoire. De la même manière, dans mes cours d'instruments je n'ai choisi la musique que je jouais : c'était du classique, point barre. Pour jouer cette musique, cela aurait été complètement impossible sans les cours de solfège. L'apprentissage du code était tout aussi important que l'apprentissage du geste musical. L'un ne peut pas aller sans l'autre. Pourquoi? Par ce que quand on joue une sonate classique par exemple, on ne peut pas l'apprendre par oralité (à moins peut être d'être un grand génie avec des capacités mentales et de mémoire hors normes). Donc pour faire cette musique on doit se farcir l'apprentissage du code. Et c'est très long et très compliqué (d'où le nombre de démissions impressionnant dans les conservatoires. Pour info, dans les années 80 ou 90, je me souviens plus, seulement 1% des élèves qui commençaient la musique au conservatoire allait jusqu'au bout du cursus...).
En tous les cas, mon parcours et ma formation peut me permettre d'affirmer de la même manière autoritaire que Jérome

que la partition c'est la musique. Il m'arrive très souvent, quand j'ai envie d'écouter de la musique, de simplement me poser sur le canapé en ouvrant une partition et d'entendre intérieurement la musique. C'est très agréable d'ailleurs.
Pour moi il y a cependant un grave écueil à éviter : celui de considérer qu'une manière de faire vaut mieux qu'une autre. C'est vrai que je suis un peu gêné quand Killie parle de "vrais musiciens", et je comprends que certaine personne puisse se sentir méprisé même si à mon avis elle ne voulait pas dire que par opposition il y avait de "faux musiciens". Je pense au contraire même que pour être musicien il faut tout pratiquer. Chez moi, ça se traduit par faire de l'ukulélé.

Et vous?
Bonne après midi!
Faites de la musique!